Publication: Mis à jour:
POLITIQUE - On n'arrête pas le progrès. Une start-up suisse romande baptisée OrphAnalytics a développé un logiciel censé détecter les auteurs qui recourent à des "nègres" ou des ghostwriters pour rédiger leurs travaux à leur place. Pensé à l'origine pour prévenir le plagiat et la triche dans les copies étudiantes, ce logiciel a été testé par la radio-télévision suisse RTSsur les oeuvres littéraires de Nicolas Sarkozy, dont son derrier best-seller "La France pour la vie", ainsi que celles de François Bayrou. Et si l'un passe le test sans encombre, l'autre va devoir s'expliquer sur la paternité de sa bibliographie.
Comment tout cela fonctionne-t-il? Tournures de phrases, vocabulaire courant, effets de style... Un algorithme découpe le texte en séquences afin d'identifier statistiquement "l'empreinte stylistique" de son auteur. Il suffit ensuite de comparer cette carte linguistique à celles d'autres textes du même rédacteur pour s'assurer qu'elles correspondent.
La RTS a donc passé au crible toute la bibliographie de l'ancien président de la République, depuis sa biographie de Georges Mandel (1994), un temps soupçonnée de plagiat, jusqu'à "La France pour la vie" (2016), oeuvre présentée comme sa plus personnelle, en passant par "Les lettres de mon château" (1995), suite de lettres parodiques publiées dans Les Echos en 1995 sous le pseudonyme de Mazarin et dont Nicolas Sarkozy a fini par reconnaître la paternité en 2004.
Le résultat est "assez féroce" à en croire Claude-Alain Roten, inventeur du logiciel: l'algorithme de la société OrphAnalytics a bien détecté trois empreintes stylistiques différentes pour ces trois ouvrages.
Une "tableau de bord qui n'est pas infaillible"
Mais gare aux conclusions hâtives. Si la carte stylistique de la bibliographie de Nicolas Sarkozy démontre bien qu'au moins trois auteurs ont planché sur ces livres, celle-ci ne dit pas laquelle de ces empreintes est bien celle du président des Républicains. "Les lettres de mon château" ayant été publiées sous pseudonyme avec la volonté manifeste de ne pas être reconnu, on peut imaginer que le style du futur président a pu en être affecté. Et l'empreinte de "La France pour la vie" correspond peu ou prou à celles de deux autres livres "Libre", "République" et "Témoignage". Impossible donc de conclure que Nicolas Sarkozy n'a pas écrit lui-même son dernier ouvrage.
Le concepteur du logiciel reconnait d'ailleurs que celui-ci est avant tout un "tableau de bord" qui "n'est pas infaillible". Cependant, explique-t-il à la RTS, "si je devais me trouver dans la position d'un membre de jury qui aurait dû plancher sur un document qui aurait ce type de profil, je me poserais de sérieuses questions quant à l'intégrité de la démarche de l'étudiant".
Pour forcer la démonstration, la radio-télévision suisse a également testé cinq ouvrages d'un autre responsable politique, le président du Modem François Bayrou, réputé pour le soin qu'il apporte à écrire lui-même ses livres comme ses discours. Cette fois ci, le résultat est sans appel. Tous ses livres affichent la même empreinte stylistique.
A contrario, OrphAnalytics a testé la série des "Millenium", oeuvre de l'écrivain Stieg Larsson, décédé en 2004, mais dont le dernier tome a été officiellement rédigé par un autre auteur. L'algorithme n'est pas tombé dans le piège.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire